L'INTERROGATION ORATOIRE
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1-RAPPEL: L'interrogation totale et l'interrogation partielle
■ L'INTERROGATION TOTALE
Elle porte sur l’ensemble du contenu de la phrase - plus spécialement sur le noyau verbal de l'énoncé- et appelle une réponse du type " oui " ou " non "
Exemples :
● As-tu faim?
- oui, mon estomac crie famine.
● Voulez-vous prendre le train ?
-Non, je voyagerai en voiture.
● Est-ce qu'elle veut vendre sa voiture?
- Non, je ne pense pas.
À l’oral, en l'absence de la particule " est-ce que " ou de l'inversion du sujet, seule l’intonation
montante permet de distinguer l’interrogation de l’affirmation.
Exemples :
● Vous voulez prendre le train ?
● Tu as peur de cet animal ?
■ L’INTERROGATION PARTIELLE
Elle porte sur une partie de la phrase (sur un de ses constituants à savoir le sujet, l'objet
ou une circonstance du procès exprimée par le noyau verbal ).
Un des constituants de la phrase interrogative est présenté comme étant non connu .
La question est formulée au moyen d’un terme interrogatif .
Exemples :
-L’interrogation porte sur l’identité du sujet.
Exemples:
● Qui a pris mon portable ?
-Ta soeur .
- L’interrogation porte sur le temps.
Exemple:
●Quand reviendrez-vous ?
Aucune idée .
- L'interrogation porte sur le lieu.
Exemple:
●Où avez-vous acheté ce cadeau ?
2-L'INTERROGATION ORATOIRE
On appelle interrogation oratoire (ou interrogation rhétorique, parfois interrogation stylistique)
le procédé consistant à énoncer une affirmation sous la forme d’une question.
La " fausse question" ainsi posée, n’attend évidemment pas de réponse
Exemples :
● Alors, elle n’était pas bonne ma tarte ?
la réponse attendue est : si, elle était excellente !
●Ne vous avais-je pas averti?
●Tu serais bien avancé, n’est-ce pas, si tu t’étais blessé gravement?
●Mais comment est-ce possible?
● Ne croyez-vous pas que tous ces enfants malades méritent qu’on leur procure les soins appropriés?
Ce procédé, employé tant à l’oral qu’à l’écrit, permet de produire différents effets, selon le contexte.
■- À L'ORAL:
La question rhétorique est une technique de communication pertinente qui favorise une certaine
proximité avec son auditoire en maintenant l’attention du public. Le locuteur, en utilisant
ce procédé, se veut plus persuasif et incite à partager un point de vue.
La question posée n’attendant pas de réponse, il s’agit d’un mode d’argument par questionnement :
elle vise à transmettre des certitudes, suggérer une évidence tout en éveillant la curiosité.
On l’utilise notamment pour piquer la curiosité de l’auditeur ou du lecteur, pour orienter
sa pensée, pour exprimer un doute ou une hésitation, pour rendre le discours plus vivant, etc.
Ainsi, dans le langage courant, les expressions familières telles que:
● Qui sait ? Pourquoi pas ?Tu penses vraiment que je n’y ai pas pensé ?
laissent à penser que les interlocuteurs connaissent déjà les réponses.
L’effet recherché est souvent immédiat.
Il convient de mentionner que l’interrogation oratoire peut également prendre une valeur de demande ou d’ordre.
Exemples : Pouvez-vous fermer la fenêtre ? / Avez-vous l’heure ?
Remarque:
Il ne faut pas confondre l'interrogation oratoire avec l’interrogation proprement dite,
avec cette interrogation du doute, de l’ignorance ou de la curiosité, par laquelle
on cherche à s’instruire ou à s’assurer d’une chose.
■-À L'ÉCRIT: ( principalement en littérature, en poésie ou dans les dialogues de théâtre )
L'effet de cette figure de style permet d’exprimer des sentiments et des émotions :
" [...] l’étonnement, le dépit, l’indignation, la crainte, la douleur, tous les autres mouvements
de l’âme, et l’on s’en sert pour délibérer, pour prouver, pour décrire, pour accuser,
pour blâmer, pour exciter, pour encourager, pour dissuader, enfin pour mille divers usages."
( Pierre Fontanier, Les Figures du discours)
EXEMPLES:
●Pourquoi feindre à nos yeux une fausse tristesse ?
Pensez-vous par des pleurs prouver votre tendresse ?
Pourquoi feindre à nos yeux une fausse tristesse ?
Pensez-vous par des pleurs prouver votre tendresse ?
Où sont-ils ces combats que vous avez rendus ?
Quels flots de sang pour elle avez-vous répandus ?
Quel débris parle ici de votre résistance ?
Quel champ couvert de morts me condamne au silence ?
Voilà par quels témoins il fallait me prouver,
Cruel, que votre amour a voulu la sauver.
(Jean Racine, Iphigénie)
Dans cet extrait (Cité par Pierre Fontanier dans Les Figures du discours),
la forme interrogative des vers prononcés par Clytemnestre accentue
la force des reproches faits à Agamemnon, exprimant la douleur et le déchirement ressentis.
" Non seulement elle n’attend pas de réponse à ce qu’elle dit,
mais elle ne croit même pas qu’il puisse y en avoir une" nous explique Pierre Fontanier.
● Si vous nous piquez, ne saignons-nous pas ?
Si vous nous chatouillez, ne rions-nous pas ?
Si vous nous empoisonnez, ne mourrons-nous pas ?
Et si vous nous faites du tort, ne nous vengerons- nous pas ?
(William Shakespeare, Le Marchand de Venise)
● Où est la fidélité ? Où est la loi ? Où est la raison ? Où est l’humanité ? Où est la crainte de Dieu ?
Crois-tu que ces outrages puissent rester cachés aux esprits éternel et au Dieu souverain, qui rétribue eu juste prix nos entreprises ?
(François Rabelais, Gargantua)
● Quoi ? Tu veux qu'on se lie à demeurer au premier objet qui nous prend,
qu’on renonce au monde pour lui, et qu’on n'ait plus d’yeux pour personne ?
(Molière, Don Juan)
● Un songe (me devrais-je inquiéter d’un songe ?)
Entretient dans mon cœur un chagrin qui le ronge
(Jean Racine, Esther)
●Ah ! Fallait-il en croire une amante insensée ?
Ne devais-tu pas lire au fond de ma pensée ?
Et ne voyais-tu pas dans mes emportements
Que mon coeur démentait ma bouche à tous moments ?
Quand je l'aurais voulu, fallait-il y souscrire ?
N'as-tu pas dû cent fois te le faire redire ?
Toi-même avant le coup me venir consulter,
Y revenir encore, ou plutôt m'éviter ?
Que ne me laissais-tu le soin de ma vengeance !
Qui t'amène en des lieux où l'on fuit ta présence ?
(Jean Racine, Andromaque)